La scène du Chat Noir
Mercredi 12 février à 21h, la Cantine du 18 a accueilli la nouvelle scène de poésie du Chat noir. Première date d’un rendez-vous régulier, le 3e mercredi du mois, ouvert à toutes et à tous.
Après avoir relancé Le Chat noir version papier, son directeur de publication Romain Nouat inaugure avec votre serviteur sa déclinaison en cabaret : la nouvelle scène de poésie du Chat noir. Alors que le cabaret fondé en novembre 1881 par Rodolphe Salis avait précédé de 2 mois la création de la revue (janvier 1882), la nouvelle revue précède de deux ans le cabaret nouveau. Ainsi, après 123 ans de sommeil, c’est le premier numéro d’un futur rendez-vous périodique. Poétesses et poètes sont invités le 3e mercredi de chaque mois à la Cantine du 18.
La Scène Virtuelle de Poésie du Chat Noir
En cette période trouble, l’Administration du Chat Noir a pris soin d’organiser la Résistance.
Avant cette Glande Guerre, Romain Nouat, Rédacteur en Chef du Journal Le Chat Noir et Julien Barret de Criticomique.com venaient de ressusciter la Nouvelle scène de poésie du Chat Noir.
Une soirée déjà mémorable et il était donc prévu, aux vues du succès considérable de cette première, de renouveler l’exploit tous les 3e mercredis du mois dans ce formidable lieu qu’est La Cantine du 18.
Cette Guerre ne nous arrêtera pas. C’est pourquoi il a été lancé un appel à la Poésie.
De nombreux poètes et poétesses nous ont répondu et ici seront publiés le témoignage de leur talent qui jamais ne se meurt et jamais ne se rend !
Restez Moderne !
Retrouvez les textes à partir du 25 mars (ici et là) et votez (ici où là) jusqu’au 1er Avril pour celui qui aura votre préférence !
LA RESTITUTION DE LA SCÈNE VIRTUELLE DU CHAT NOIR de Mars 2020 par Julien Barret
C’est un lieu commun, mais je n’hésite pas à le dire : l’écriture ouvre les portes de l’esprit lorsque le corps est entravé, cloîtré ou « confiné ». La restitution de cette scène virtuelle de poésie ne produit pas, à mon sens, ce ‘romantisme du confinement’ qu’on critique aujourd’hui, mais un atelier de libération des maux et des mots, un espace où la créativité, parfois contrainte par les circonstances, s’exprime en toute liberté.
Une trentaine de poétesses et de poètes, parfois slameurs, philosophes, humoristes ou rappeurs, ont répondu à notre appel. Voici, mises en ligne l’une après l’autre, dans un ordre volontairement aléatoire, leurs productions textuelles (parfois accompagnées d’un audio ou d’une vidéo).
Bien sûr, le thème du confinement revient, mais il n’est pas central, et c’est assez heureux en ces temps où l’on peut craindre que les artistes ne fassent tous le même disque, le même livre, le même poème. Eh bien non, comme vous le lirez et l’entendrez ! Étonnamment, c’est la question du temps qui est la plus présente, effet indirect du confinement ou préoccupation consubstantielle à l’activité poétique…
A chaque fois, je me suis permis de qualifier le texte en quelques mots. Pour ceux et celles qui n’avaient pas mis de titre, j’en ai fabriqué un avec les premiers ou les derniers mots du texte (dites-moi si vous voulez en changer). Enfin, j’ai corrigé quelques fautes d’orthographe quand il y en avait…
Un grand merci, pour finir, à toutes les poétesses et à tous les poètes qui se sont prêté(e)s au jeu !
C’EST PARTI…
1. Kerim Abbas, Famille de merde !
(Un texte qui ne se réalise pleinement que sous sa forme vidéo en mode stand-up)
Je suis confiné avec ma famille, et je crois que je la déteste.
L’autre jour mon père entre dans la cuisine et il me regarde archi mal… Alors que j’ai rien fait !
Dans ma tête je me suis dis : « Qu’est-ce qu’il veut lui ? Il veut qu’on s’embrouille ? Je lui dois de l’oseille ? Pourquoi il me regarde mal ? J’vais lui tousser à la gueule le con »
Et là il me lâche : « Regarde comment tu as maigris ». Déjà pourquoi est-ce qu’il parle comme un mafieux ? Et ensuite j’ai envie de te dire que j’ai pas de meuf, pas d’amis, pas de famille, j’ai pas d’honneur, j’ai pas d’avenir. Pourquoi est-ce que tu veux que je mange ?
Depuis que Macron a annoncé qu’il fallait un justificatif pour sortir, mon père à pété un câble. On on est 5 à la maison donc il a dit à ma petite sœur d’imprimer 5 justificatifs.
Sauf que ce fou là, il a décidé de garder tous les papiers avec lui, en mode c’est un chef d’État, il ferme les frontières.
Tout ça pour dire que je vais fuguer, si l’un d’entre vous peut m’héberger ? Bisous.
Famille de merde !
2. Raphaëlle Lavandier, 12 haïkus du confinement
(où le haïku est considéré comme un souffle, plutôt que dans une acception stricte en 3 vers de 17 syllabes)
1.
Ce matin j’ai coupé du bois mort
Tisane de romarin
Et je range des galets blancs
Devant ma terrasse
2.
La vie en suspens – le rayon pur du soleil
Couchée dans l’herbe verte
Les yeux dans les yeux
Avec le scarabée d’or
3.
Une gorgone
Sortie d’un vieux tiroir
Et la peinture la réanime
Comme un poumon qui respire
4.
La maison se repose
J’entends les morts rire un peu
Seule entre ces murs
À rêver du dehors
5.
Les chambres vides de l’enfance
Me chuchottent encore quelques secrets à l’oreille
Le souvenir des grandes réunions
Silence
6.
Le monde – à l’arrêt
Ce mur tout autour du jardin
Le printemps qui s’en moque
Et tous ces rêves qui se bousculent
7.
Ce vent qui souffle
Sur mes terres
Immobiles
Et le chant des mouettes qui s’entend au téléphone
8.
Porter tout le monde
En soi
Ma tête réclame un courant d’air
J’entends le mot : réanimation
9.
Une lassitude, un ennui
Le jour recommence
Deux papillons blancs franchissent les murs
Horizon
10.
L’agitation nocturne dans ma tête
Succède au calme du plein jour
Et ce rayon de soleil
Qui enflamme l’eau peinte du marais
11.
Le soir qui tombe
Étincelles dans l’âtre
Nos deux mains qui sonnent le tambour
Et cette voix qui répond à la mienne
12.
Le ciel étoilé
Un pincement au cœur
Mille pensées s’éteignent
J’éternue dans la nuit
3. Yves-Marie Rollin, L’Orage
(Où l’auteur démarque en alexandrins Le Bateau ivre de Rimbaud)
Descendant à la nage l’escalier de l’orage
je glissais mon ticket périmé de bonheur
dans la fente usagée d’un nuage boudeur.
Le soleil remuait la chaleur de la lave
Circulant dans mes veines et calcinant mon coeur.
Une machine roulante me prit alors en otage
Rejetant, hoquetante, tel un monstre bavard
les énergies broyées par l’usure méthodique
D’un quotidien suçant la moelle substantifique
Avalant la beauté tout autant que l’espoir.
Et malgré la tempête
je reste debout
et tiens droite ma tête
Au langage des coups
Je nageais comme je pu aspiré par le ciel
qui soudain souriait, comme on le voit parfois
sur les sourires figés de déesses de miel
Dans les salles d’attentes aux magazines froissés
ou s’échouent les photos de princes ou de rois
de princesses enfin bref de rêves fabriqués
L’orage bouillonnant s’étant un peu calmé,
en marchant à l’envers je crus voir le passé,
alors je m’allongeais pour glisser sur la pente
d’un voyage sans escales vers l’origine du rêve.
Un tunnel voyageur traversa la lumière
une voix de crapaud annonça le silence
Un train s’arrêta se déclarant en grève
Une nature sauvage me vendit sa tanière
pour aller voir ailleurs des terres en sursis
Comme d’ailleurs je sentais que je l’étais aussi
Les caresses trompeuses racontaient une histoire
qui pouvait ressembler aux amours enfantines
que l’on a oubliés au fin fond d’une armoire
La mémoire est bizarre et parfois elle patine
La tempête se retire digérant ses victimes
l’orage est fatigué, et je compte debout
Le nombre hallucinant de mes blessures intimes
Je n’étais pas couché je n’étais qu’a genoux
Dans la salle d’attente d’un service d’urgence
Un moribond soudain se jeta à mon cou
Criant désespéré que l’on donne leur chance
A la génération qui viendra après nous
Personne ne comprenait
Mais moi, sûr, je savais
Que demain est malade
Derrière une belle façade
4. Elise Boulbi, Printemps de Bourges
(Un texte qui en a sur le cœur, écrit sur le mode de l’oralité slam)
C’est le Printemps, les gars, les pollens me piquent les sinus,
Fuck tout le monde panique, on crie pas nous, on CoronaVirus
Et puis je reçois un mail de ce gars qui s’entête, Qui veut que nous sortions tous notre jus de poète,
Il me dit « balance la sauce wesh » mais si je suis honnête, J’suis confinée ma gueule t’auras que mon jus de chaussettes.
Vous êtes où les gens ? Ça fait 4 jours que je me casse les dents sur vos chaînes de messages, Vos beaux discours en blouse blanche qui foutent la rage.
Moi j’aimais vous toucher, caresser vos visages, J’avais toujours une idée bancale, prête à tout pour qu’on se tire en cavale.
Mais la j’suis confinée ma gueule, je bois ma tisane de bobo En mettant des pansements sur mon âme RocheBobois.
Il y a des virus qui ne s’expliquent pas.
C’est le Printemps des Bourges qui fleurit sur les réseaux, on se parle de bien être, de yoga, de nos kilos en trop.
On se dit pas comment ça va mais t’as pas tué tes gosses ? J’ai rien compris à sa leçon de maths, y’a trop de devoirs c’est atroce.
Y’a toujours des gens qui crèvent de faim mais je m’en souviens plus mec, mon chariot est bien plein, PokeBowl et Soja t’inquiète.
Jsuis confinée ma gueule, le Printemps a fleuri, ça m’arrache un peu la gueule qu’on soit des cons finis.
5. Aurélien Di Sanzo, LIBERTÉ (GRAND GAGNANT avec 31 likes)
(L’auteur a respecté 2 contraintes : écrire LIBERTÉ en acrostiche et semer 21 citations d’œuvres au fil du texte)
Litige. Mon âme et mon corps entrent en profond désaccord. Le premier, informe, peut se plier à l’ordre établi mais le second, n’est pas prêt de céder, sous aucun prétexte et à aucune forme de Soumission. Ou est-ce l’inverse ? Lutte perpétuelle interne qui sème le chaos et provoque La confusion des sentiments.
Isolation. L’accepter, serait renoncer à mes droits fondamentaux, plier l’échine. Si l’homme est un animal social, pourquoi devrais-je me satisfaire de la seule présence de mère Solitude, doyenne des maux de notre société ? Je me lève et m’élève Sur les cimes du désespoir.
Bâillonnement. Pour avoir bravé les interdits, érigé La désobéissance civile comme arme symbolique de ma rébellion, on a étouffé ma soif de liberté. Compressé entre quatre murs, aura-t-elle assez de souffle pour conserver sa définition ? La promesse de l’aube nous le dira.
Emprisonnement. L’espace manque, mon corps étouffe mais ne suis-je pas Le malade imaginaire, emprisonné par sa conscience ? Jouir de l’absence, se moquer de la vacuité, les envoyer valser main dans la main dans l’obscur fossé de la réalité, voilà la clé de ma Métamorphose
Refuges. J’ai abusé des Paradis artificiels pour lutter contre Les Fleurs du mal. Ils m’ont fait voguer Vingt mille lieues sous les mers, fouler des prairies plus vertes, rêver d’un temps dissolu et absolu, de journées sans nuit. A la recherche du temps perdu, j’ai finalement ressenti sur ma peau la caresse inespérée d’un soleil de fin de journée.
Tragédie. Le recul apporte la lucidité pour affronter le mot qui résume le mieux ce qui nous est arrivé. Entre stupeur et tremblements, il faut faire le deuil, non pas de ce confinement mais de ces âmes qui appartiennent à un autre temps. On parlera désormais du Monde d’hier.
Enrichissement. Fin de partie. Après cent ans de solitude, que reste-t-il ? Les souvenirs indélébiles de La peste. Mais aussi les innombrables Rêveries d’un promeneur solitaire que je fus. Et c’est peut-être ça, La leçon à retenir, La solitude, si sciemment utilisée, est un compagnon de fortune qui ne cesse de nous faire progresser Sur la route étroite de la vie.
6. Fabiola Bikoyi, Quelle heure est-il ?
(Un poème sur le temps, où les minutes s’égrènent comme des lettres)
Quelle heure est-il ?
Impalpable et pourtant si palpable,
Nous croyons le maitriser. Pourtant, c’est lui qui nous maitrise.
Impitoyable, si on ne prends pas la peine de le saisir, il s’échappe
S’échappe, en nous laissant de vains souvenirs,
S’échappe, et ne prends pas la peine de revenir…
LA journée est passée,
La VIE continue pour autant,
Mémoire EST notre meilleur allié, pour se
Rappeler une BELLE histoire.
Malgré les difficultés, prenez la diagonale en majuscule à la lettre,
Cueillez dès aujourd’hui les diamants qu’offrent la vie.
« La vie passe vite ! » me disait-on,
Vive la réplique, vive l’outrance,
Je disais que je n’avais pas besoin d’entendre cette idiote parole,
Mais toutes ces minutes, ces gens qui s’envolent
A jamais, m’ont fait réaliser qu’il faut prendre…
Le temps de s’aimer, d’aimer ce qui nous entoure,
Le temps de s’aimer, d’aimer,
Le temps de s’aimer,
Le temps.
7. Élodie Marie, Vis à vie
(Une suite de distiques très subtilement composés)
Latente épidémie, décalage et lenteur
éternelle attente durant de lentes heures,
à présent emmurés, on vit un jour sans fin
au mur encore les mêmes couleurs de papier peint
j’ouvre la fenêtre croyant à l’aube d’un jour nouveau
mais là mes doigts crispés se resserrent sur les barreaux
contrainte de côtoyer l’entourage immédiat
confinée, je m’octroie l’infime espoir de croire
qu’in fine tout cela pourrait n’être qu’un leurre
Chaque jour à l’aube céans a toujours la même odeur
Certains croient sombrer dans les abysses d’un océan
mais savent-ils réellement ce qu’est l’enfermement ?
Mon père, ça fait sept ans qu’il est claquemuré
il s’est inventé un monde où tout est figé
il réside un goût fade d’éternité dans sa bouche
l’air absent, ébahi, pour lui plus rien ne bouge
il a appris à s’accrocher au fil du temps très tôt
et ainsi a pu garder la tête hors de l’eau
plus d’envie, plus de manque, il est sorti du rang
prostré dans un monde opaque que lui seul comprend
s’il courbe parfois l’échine, son expression en dit long
il a perdu le fil des mots, on parle en son nom.
Vous qui craignez quelques semaines d’isolement
pensez à tous ceux qui le vivent quotidiennement
soyons forts, soutenons-nous, vivaces et présents,
tous solidaires, seule manière d’en sortir vivants.
8. Térence Samba, Par ce poème…
(Un poème pour soutenir ceux qui en ont besoin)
Par ce poème je vous présente mon soutien à tous les être humains qui ont perdus un proche récemment,
Que votre famille unie dépasse la souffrance,
Les défunts que vous aimez connaissent la délivrance,
Soyons aimant !
Du haut du ciel, votre bien-aimé veille sur vous,
Vous savoir heureux est pour lui un cadeau si doux.
La fraternité n’est qu’une idée humaine, la solidarité est une idée universelle
Vous êtes tous beaux et belles !
J’aimerais être une fleur
Pour souffler un parfum de paix, d’amour et de joie sur terre,
Un parfum de bonne odeur,
J’aimerais être un oiseau,
Et survoler la terre avec une mélodie d’amour,
Et si l’amour était une arme,
Alors notre monde serait bien meilleur…
9. Mich’ elle Grenier, Chat noir
(L’auteure s’est mise dans la peau d’un chat noir, au fil de ce poème alerte où dominent les octosyllabes)
Quand les bourgeois dorment ronflant
Sous leurs pilous ventripotents,
Que les sans dents cuvent leur fut,
Sur les toits pointus je vais, pattes drues
Je suis le chat noir qui rôde.
Aucune étoile sous la nue
Ne m’a souhaité bienvenue,
Aucun roi mage, pas de cadeaux
Aucune crèche ni flutiaux.
Nom d’un chien le vent gémit
On veut ma peau plus noire que suie. ..
Sous la grand’ lune qui éclaire tout
Morbleu%! J’ fais les quatre cent coups.
Il faut me voir, poil qui rebiffe
Taguer à cent coups de griffes%:
«%Ni Dieu ni maître ni croquette.%»
Quand la faim me poursuit, crac%!
Sur le marché, sans loi, sans trac
Je chaparde, j’escamote,
Et cric et croque et craque
Deux trois sardines dans l’estomac
Un festin de monarque%!
Minuit, sur les toits en zinc,
Une rouquine me fait du gringue
Une féline dont je suis dingue,
Sous les ombres elle, elle me grise,
Ses yeux verts, verts m’hypnotisent…
Moi, le chat noir, Raminagrobis,
Pour l’avoir léchée, une fois rien qu’une,
Tel un damné j’erre sous la lune.
Pour lui plaire, sur les toits en zinc
Je danse la java comme un dingue
Et sur des rythmes fous, allègres
Sur mon poil court le frisson nègre.
10. Matthieu Dolivet, Jeu
(Quatre quatrains bien troussés où, évidemment, Jeu est un autre)
Aux destins enlacés dansant toutes les journées
Si souvent éloignés de nos Réalités
Rêves par-dessus les toits, étoiles dans nos bras
L’ombre se fait lumière mais Je ne la vois pas
La nuit nous donnera les meilleurs lendemains
Perméables instincts qui tiendraient dans nos mains
Je veux, Je ne veux pas, mais l’Âme ? Je ne sais pas
En silence Elle observe l’ensemble de nos pas
La pluie enrobe pourtant encore des miradors
A nouveau du décor, l’Oeuvre se fait un corps
Mais au moment choisi alors que sonne l’heure
Je se réveillera et reçoit la Lueur
Comme l’aube est cachée sous les terres arables
La rosée réjouie de perler le Chemin
Elle attend désormais la venue de sa fable
Mûre de patience et Moi, graine de destin
11. Marie-Lou Leghima, Je lien*
(Un poème tout en échos sonores, chanté et accompagné d’une musique au piano)
Toi t’es là
Cygne envole toi
Julien je lien
Julien en repassage de nos passés à l’âge
Julie en repas sage, Dionysos à l’adage
Denis osa la drague, dragées
Julien je liane
Julianne casse les pages sculptées ajustées
Juste liane l’EPAGE ancré
L’étage à supprimer
*du verbe inventé liendre
12. Ed Wood, Everest
(3 quatrain et un quintil où la langue est maîtrisée avec humour et doigté)
La poésie crois-moi c’est savoir lâcher-prose
Aux souliers de l’ennui je noue des lacets roses
Je les enfile aux pieds de mes alexandrins
Pour qu’ils piétinent gaiement la langue aux lois d’Airain
Mes mots, des coups de fouet dans une soirée fétiche
Pétillants et amères comme une coupette de Spritz
Pourquoi suis-je si pauvre, quand mes rimes sont si riches ?
Je dors dans l’caniveau elles passent leurs nuits au Ritz
Je dégaine les bons mots quand on veut me blesser
Le savoir est une arme, l’humour mon bouclier
L’auto-dérision, la plus fidèle des comparses!
Car j’ai choisi de faire de mes faiblesses une farce
La poésie à temps perdu c’est un pari
Pour embellir la vie et ses intempéries
Qu’il vente, qu’il pleuve qu’il neige: être celui qui reste
Qu’importe les flocons pourvu qu’on ait l’Everest
Qu’importe les flocons pourvu qu’on ait l’Everest
13. Julie Bailly, Tic-tac Tic-tac
(Un poème introspectif sur le temps et l’amour, qui joue avec les mots)
Tic-tac Tic-tac
L’horloge tourne mais le temps ne passe pas
La vie défile mais je ne vieillis pas
Tu me donnes ton amour mais je ne te le rends pas
Mais les mots du jour ne sont pas amour et joie
Mais plutôt confinement et corona
Mais pour écrire il n’y a pas de loi
S’en sortir sans sortir
Reste chez toi pour agir
Mais ce que je voulais vraiment vous dire
C’est ce qui me pèse sur le cœur
Mais aussi ce qui me fait peur
De ma vie je suis l’auteur mais aussi l’éditeur
Parfois je n’en peux plus de mon cœur qui bat
Pas parce que je suis triste ou que ça ne va pas
Simplement qu’il se défend d’un combat qui ne se gagne pas
Il se défend de l’amour qu’il lui donne
Pas de pénurie d’affection mais il se rationne
Il est drôle il me plait, je sais qu’il m’affectionne
Pris dans tes chaines, tu ne sais plus où est la clé
Emmêlé dans ces cordes, tu n’arrives plus à te libérer
Ton armure, tu n’arrives pas à l’enlever
Laisse-toi aimer, laisse-toi rêver
Tombe amoureuse, baisse la garde
Fais toi confiance
Si seulement c’était si simple,
Mais déjà je respire, je vis j’existe, je savoure, je ris, je pleure, je vibre, je cours, je chante, je danse, je parle, je clame, je suis.
Alors n’aie plus peur du vertige de la vie, et souviens toi, si tu as peur ne regarde pas en bas.
Brise le silence, prends la parole, libère ta voix, libère-toi.
Ma plume est solitaire mais ensemble on peut s’envoler, et aller si haut qu’on n’aura plus jamais besoin d’atterrir.
J’aime jouer avec les maux, les prendre de haut, de bas. Parfois ils sont coupants, parfois on se blesse, par foi on les adresse.
14. Sandrine Dupin
(Un joyeux exercice de style, en forme de prescription anti-Covid)
Écrire pour passer le temps
Écrire pour saper le temps
Qui s’étire et rire
Pour finement con
Stater qu’il faut s’arrêter
De se toucher
Tous touchés nous sommes
Tousse mais mets ta bouche dans le creux de ton coude
Boude dans le creux de ta tête
Où confinés comme des confettis compressés
Les mots finiront par t’inspirer
S’extirper dans une longue expiration
Respire ce parfum d’expiation
Faire plier la Chine Covid tu as tenté
Nous faire courber l’échine pas la peine d’essayer
Ta gravité me rend ma légèreté
Anticorps, fêtons un masque sur le nez
Le SHA est là alors souris et danse
Tendance à étirer les tendons plutôt que le temps dont on ne sait plus quoi faire
Ma prescription
Mets de l’air dans tes articulations pour que la circulation reste fluide
Spirale ton rachis des cotillons dans les yeux
Fais surfer tes omoplates sur les vagues de tes côtes
Écrire et danser
Le temps est passé
(Un cri de vie et une déclaration d’être au monde, à travers une parole performative)
Elle le dit,
Elle le crie,
Elle le hurle mais rien ne change.
Elle trottine,
Elle marche,
Elle court jusqu’à ne plus sentir ses pieds mais rien ne change.
Elle est prise au piège et ne sait comment s’en défaire.
La vie suit son chemin, elle stagne,
Les cœurs battent en harmonie, elle suffoque.
Elle demande,
Elle implore,
Elle supplie mais rien ne change.
A ses dépens, elle fait face à la cruauté de la vie, seule. Pour survivre, elle se forge à leurs images.
Fourbe, fausse, séductrice, manipulatrice, ses talents sont sans fin. La marquise de Merteuil est un parfait modèle. Elle est dans une parfaite maîtrise de ce que la société appelle “troubles psychologiques”. Son trône est sur un piédestal surélevé. Aujourd’hui elle est l’AS des AS.
C’est irrationnel et incompréhensible les désirs de la race humaine, actuellement, il veut qu’elle oublie. Il lui ordonne d’accorder l’absolution la plus totale et véritable.
Comment pourrait-elle pardonner alors qu’elle a été utilisée, usée, détruite puis subitement expédiée dans ce village endiablé.
Il lui apprend à survivre.
Survivre, toujours regarder par-dessus son épaule,
Survivre, supporter cette violence, cette tension quotidienne,
Survivre, être le mercredi d’une famille hypocrite comme il n’en existe point,
Survivre, chaque jour accueillir un nouveau démon dans son havre de paix,
Survivre, se justifier sans cesse, prouver sa valeur, sa légitimité,
Survivre est son héritage.
Survivre, il n’y a que cela dans ce monde.
Dans ce village, elle voit que l’être humain est une foireuse poupée russe,
il y a ceux qui mentent,
il y a ceux qui trahissent,
il y a ceux qui brisent,
il y a ceux qui détruisent et tuent,
et puis il y a celui qui sauve,
celui qui chérit,
celui qui guérit,
celui qui protège, aime et couve.
Parmi eux, elle croise les pires, les pervers narcissiques ou comme je les nomme, les tout en un. Ils arrivent comme de sublimes ouragans, chamboulent toute sa survie et l’abandonnent anxieuse et dépressive, à l’agonie.
De surcroît, il y a cette voix qui ne la quitte pas. Elle est là, dans sa tête, dans son ventre. Elle l’entend partout, cette voix est comme son ombre. Cette voix lui dit d’en finir car elle n’est rien d’autre qu’un putain de fardeau et une inutile folle. Pour une fois, elle l’écoute, elle tue sa peur ce soir-là.
Il y a comme témoin la magnifique vue d’un immeuble donnant sur la Tour Eiffel, panorama de la ville parisienne.
Miraculeusement, elle voit la lumière scintillante et vive comme pour lui rappeler ses ambitions et son indépendance rêvée.
Ce soir-là, sa survie prend fin.
Livrée à elle-même, elle part sans jamais se retourner. Elle les abandonne à son tour et son départ laisse un vide immense et profond. Elle leur transmet une part de sa richesse, la solitude.
Seule au monde, en colère, enragée et assoiffée. Jamais une femme ne fut si déterminée.
Elle défie un village endiablé,
Elle traverse une ruelle enflammée,
Elle dresse des tigresses en chaleur et dompte des lions affamés.
Qui l’eut crut, elle trouve enfin la sortie de ce labyrinthe passionné.
Il était une fois, toutes les histoires commencent ainsi, dans ce cas précis il s’agit de vérité, de réalité. Il est question de vécu.
Je vous présente officiellement Aminata qui pour certains est Natou et pour d’autres Naash.
Hier, elle était soumise et fragile,
Aujourd’hui, sous ses allures juvéniles, elle a le cœur à l’orage,
Demain, à l’avenir, elle est prête car alambiquée telle une sociopathe son arme est bien calibrée.
Elle le dit,
Elle le crie,
Elle le hurle mais rien ne change.
Finalement, elle le tatoue sur sa peau. Je veux vivre !
16. Daniella Coletta, Nous ne sommes pas seuls nous sommes nombreux
(Un poème en prose où la syntaxe crée des effets poétiques inattendus)
Bisous cela s’organise. Heureusement que nous avons fait tant de voyages commence le temps du farniente donc du repos mérité sous le sequoia géant je médite telle une squaw. Je range et dérange je classe je ventile. J’aimerai voir passer les cigognes ces oiseaux de transhumance. Mes rimes sont changeantes car ce temps précieux nous accompagne. La nature nous dit merci paradoxe de vie. J’écris pour comprendre les nouvelles s’emballent et circulent vite. Dans ce monde agité je suis en quête de vérité et de spiritualité
J’écris souvent j’évacue ce moment présent où nous sommes seuls et nombreux à la fois. Nous sommes unies dans cette planète terre. J’écris pour ne pas oublier pour rêver à ceux que j aime. Le partage n’est pas un vain mot il est une obligation la solidarité doit être internationale il y va de notre dignité d’homme. Je suis là vous êtes là j’en suis heureuse.
Écriture automatique depuis quelque temps sensation sublime nous ne sommes pas seuls nous sommes nombreux.
17. DonLord, La peur
(Un rap inspiré, fait maison et digne de la meilleure trap actuelle)
La peur
M’embarasse
Faut qu’j’m’en
Débarasse
Bébé
Faut qu’tu m’embrasses pour gouter au joie du D
La peur
M’embarasse
Faut qu’j’m’en
Débarasse
Teubé
Je n’vois pas les signaux qui m’permettent de jouer (x2)
À la recherche
Des cités d’or
Comme Esteban
Prend pas la tête
Sinon j’te signale
Et j’te ban
J’veux puissance du VI-ZIR
Que j’ressente euh son plaisir
Je ne sais que HA-ÏR
Je ne pense qu’à la détruire
J’l’ai jugé j’l’ai décoté
Pour eux elle est souscotée
Ça ne tient qu’à son décolleté
Pour moi elle est surcotée
J’veux l’ouvrir comme montre à gousset pour tant
Comme l’impression qu’tu m’fais perde mon temps
PRÉ REFRAIN
La peur
M’embarasse
Faut qu’j’m’en
Débarasse
Bébé
Faut qu’tu m’embrasses pour gouter au joie du D
La peur
M’embarasse
Faut qu’j’m’en
Débarasse
Teubé
Je n’vois pas les signaux qui m’permettent de jouer (x2)
18. Grégoire Pellequer, Quand le Système s’arrête
https://www.youtube.com/watch?v=zMl1X-xEPzk
(Un texte qui décrit la situation actuelle avec une ingénuité calculée, comme un conte pour enfants)
C’est quand le système s’arrête que l’on se rend compte qu’il y a un système. Un virus chopé en Chine sur un marché, et la mondialisation a fait que, de poignées de mains en échanges internationaux, la propagation s’est vite fait. Alors pour arrêter cette propagation mortel, les gouvernements, unanimement, ont décidé de tout arrêter. Fermés les restaus, lieux de loisir, bars, cinémas, piscines. On a été prié de rester chez nous. Si on sortait, des policiers nous verbalisaient, avec l’aide de drones pour nous localiser. Franchement ils étaient près pour la dictature. J’étais, nous étions à mille lieues de penser que, par un simple ordre, ils pouvaient tout arrêter.
Et, de notre cage, nous regardons les oiseaux voler, pour une fois, ce sont les humains qui sont enfermés.
Nous ne pouvons que nous rappeler comment était la société où nous allions danser, nager, partager nos poèmes et nos rages dans les bars.
Nous pouvions tout faire, c’était la démocratie, le système était en marche, l’école pour les petits, l’entreprise pour les grands, on allait, on venait, on faisait des coucous à notre famille et nos amis, on trinquait au verre de l’amitié, on était sage, on faisait l’amour ou on s’engueulait, y’avait des riches, très riches, des pauvres, très pauvres, des voitures, des avions, du tourisme à outrance et nous visitions, trinquions à ce monde et à cette réussite et nous félicitions d’y appartenir. Mais ce colosse, comme dit la chanson, avait des pieds bien fragiles.
Et un petit virus, un petit méchant virus a eu raison de tout cela, et sème la terreur sur son passage, il a fait taire tout ce bruit artificiel de notre planète ; la nature en a eu marre de crier, elle nous a envoyé ce poison pour se faire respecter, et alors que la nuit vient, que les chiens aboient et que les derniers oiseaux du jour vont laisser place à ceux de la nuit, que l’air que j’hume est frais comme un nouveau jour, je peux dire, quel calme !
19. Mériem Aït-Meddour, L’essentiel
(Des vers courts évoquant des nuances subtiles avec des jeux de sonorités)
Assise entre quatre murs,
J’entends que les temps sont durs.
Durée indéterminée.
Terminée la liberté?
Netflix, endors notre ennui.
Puis maison, mais on met son
Téléphone en mode survie.
Mais survie n’est pas sous-vie.
Survie n’est pas vie sous-vide.
Assise entre quatre murs,
J’entends que les temps sont durs.
Mais mon cœur, lui s’attendrit.
J’ouvre les yeux sur la vie.
L’essentiel est persistant.
Réjouissant, aimant, comblant.
Profitons de ces instants
Pour plonger en
L’essentiel.
20. Stéphane Fall, De quelle chimie malencontreuse…
(Un texte aux accents philosophiques fourmillant de trouvailles lexicales, dont la syntaxe chantournée aiguise notre perception)
De quelle chimie malencontreuse, bête, espères-tu le précipité ? Ta chaire d’expériences vérolée retient, quand elle ne les fige pas, les foudres du poète, les échos flamboyants de dame musique et les chatoyantes touches de la peinture, et en étouffe les échos, en ternit les éclats. Tu vautres ton impudeur sur des peuples exténués qui râlent plutôt qu’il ne le chantent, leur goût pour le destin. L’alliance convenante s’éveille ce-pendant et darde ses consciences vers le toujours ailleurs de tes crimes obligés. Elles construit, à l’écoute de ce qu’elle ne prétend pas percer, heureuse.Trop de venin déjà s’écoule. Quel sceau terrestre, là, pour ce pacte sinon l’arbre à l’ombre fraîche au sahel assoiffée ? Sang et sève, écriture et lectures.
Comment la science ?!! Eh quoi ! La science ne ferait plus de la prévisibilité sa substantifique moelle ? Quantique advenue dans sa tour et cybernétique au raz des pâquerettes, va-t-elle dé-couvrir le béant horizon des paroles descendues, puits qu’elle prétendra en vain tarir toujours, le prétendant sans fond souvent. La science fouille et ne veut s’incliner, s’extasier, se soumettre.
Notre dire les ayant foi, nous pourrions vous le masquer avec un art et une déconcertante facilité, supérieure à celle dont vous usez pour dissimuler votre discours d’hypocrites politiques, aux foules que vous con-fusez ; mais à vous, il se déguise tout seul notre dire. Les foules elles-mêmes, à bout, menées à la laisse tendue de votre dialectique, n’en sont sentimentalement pas dupes et vous chargent de bien des attributs. Les tricheurs installent à leur pseudo paradis des astres, à l’avantage des pauvres.
La médecine c’est l’alibi de la science. (Hadith 74)
21. Julie Lafaurie, Démo
(Un poème anaphorique et rythmé sur le sens de la vie, à lire et à écouter)
je ne suis pas venue sur TERRE
pour apprendre à me TAIRE
mentir
maudire
mais
pour entendre
le chant des OISEAUX
alors pourquoi ?
pourquoi tant de MOTS ?
des mots aussitôt dits aussitôt oubliés
des mots endurcis à force d’accuser
des mots qui s’amoncellent comme nos ordures dans nos poubelles
des mots tordus mordus manipulés
des mots qui regrettent déjà d’avoir été prononcés
des promesses qui ne tiendront jamais
des paroles au rabais sur les étals des supermarchés
des lettres vendues aux plus offrants
comme nos pensées et notre TEMPS
à quel prix ?
pour quel profit ?
quel intérêt ?
expliquez-moi s’il-vous plaît quel est l’intérêt d’épargner ?
je ne vois que des morts à crédit
sur les marchés boursiers
que des dettes
au-dessus de nos têtes
il y en a toujours trop
je n’en peux plus de tous ces mots
avares et bavard
de tous ces bruits de tous ces cris
et puisque je ne veux plus leur obéir
il ne me reste qu’à
les bafouer
les bouffer
les vomir
&
les détruire
…
mais la vie est au-delà des mots
et déjà
elle prépare de nouveaux mondes
des mondes mystérieux
des mondes silencieux
des mondes sans mots
pour enfin comprendre
le langage des OISEAUX
22. Franck Pelaia, Je T’emmènerai
(Un poème d’amour, parce qu’il en faut, rythmé souvent par l’octosyllabe)
Je t’emmènerai, là-haut
Là où les hommes ne savent pas
Ce qui se chante ou bien se dit
Là-haut ils se perdent parfois
Entre bonté et ignorance
Là où le bonheur a sa chance…
Je t’emmènerai là-haut,
Parmi la joie ou bien l’oubli
L’oubli de soi et des non dits
Des belles paroles qui s’envolent…
Parmi les nuages de poussière
Entre les arbres et puis la mer,
Là-haut, là-bas, juste toi et moi.
Je t emmènerai là-haut,
Là où le vin te rend heureux
Là où les gens se regardent bien
Se regardent droit au fond des yeux,
Se sourient et puis s’en vont
Là-haut, là-bas, juste toi et moi
Je t’emmènerai là-haut,
Là où les anges lâchent leurs enclumes,
Où les étoiles parlent à la lune,
Là où la vie perd de son sens
À en faire pâlir tout Byzance !
Là-haut les filles lâchent leurs cheveux
Parce qu elles ont chaud et c’est tant mieux!
Là-haut elles boivent et se rendent malades
D’amour et de belles balades…
Là-haut l’Olympe n’en peut plus
Les dieux se perdent dans les nuages
La pluie l’ivresse même dans les rues
N’y voyez rien là d’incongru.
Les pins me murmurent à l’oreille
Ce que les roses n’osent me dire
La mer se calme et laisse passer
Toutes ces voiles bien gonflées
Là-haut, là-bas,
Juste Toi et moi
Sans chemise ni fardeau
Seulement nos rires sur un radeau…
Là-haut, là-bas
Juste toi et moi.
23. Esterelle Lacrimosa, Foutez-moi la paix
(Un poème slam comme un cri du cœur en forme de chronique sociale)
Foutez-moi la paix
Grands donneurs de leçons
Avec vos guerres et paix
Et autres crêpages de chignons
Faites pour diviser la masse,
Les histoires de la Télévision
Nous accablent et nous tassent
Plus profond dans notre peur en carton
Allez c’est du propre,
Presque sans trace,
Surtout pour les nouvelles générations,
Il faut bien que jeunesse se passe
Quand l’alcool coule à flot
Dans l’gosier des marmots
Ils sont pas encore finis
Trop d’bédos dans l’cerveau
Allez roulez jeunesse
Le cœur en liesse
Le corps à la dérive
Et tes parents qui se privent
Moi tu vois j’ai pas besoin
De dire de gros mots
Pour me faire entendre
Je laisse couler le flot
Quand t’auras connecté
Tes neurones
Tu pourras venir me voir
On discutera de demain
Mon gars ouvre un Larousse
Ou un petit Robert
Pas Julia, inculte,
Quand tu sauras lire tu seras fier
En attendant vas-y,
Mets la donc en sourdine
Prends une gratte et bosse,
Que ce soit ta routine
Ou alors
A toi l’argent facile et les histoires tragiques
D’une société qui se perd
Dans l’temps c’était magique
Je parle comme un vieux réac
Ou un gosse anarchique
Là c’est la loi du plus fort
Mon stylo a la trique
Les journalistes sont tous les mêmes
Surtout ne pas parler des vrais problèmes
Ils sont aujourd’hui des vendus
Sauf ceux retrouvés pendus
Et puis le ticket de métro
Qui passe à deux euros
Avec ce gouvernement
Aux décisions frêles
Et la hausse des prix
Dans les supermarchés
Ça me donne vraiment
Envie de gerber
Il s’agit pas de chaque soir
Faire un gros festin
Mais que le peuple enfin
Puisse manger à sa faim
Les patrons du CAC 40
Il faut tous les virer
Même si les potes sont là
A chaque fois pour les remplacer
Alors qu’employés, ouvriers,
Ravalent leur misère,
Deux poids deux mesures,
Y’a pas de quoi être fier
Trop facile de s’adonner
A la télé réalité
On nous abreuve de clichés
Où chacun peut se retrouver
Moi je vais bien,
L’autre c’est pire,
A soi, chacun,
La couverture on tire
Faut dire qu’on nous donne pas l’exemple
De valeurs sûres, d’Indépendance
Quand le travail n’est pas reconnu
Et que ce qui est corrompu
Me saute à la gueule chaque seconde
Car seule aujourd’hui la révolte est féconde
A la défonce éternelle
D’un peuple sous le joug
D’une peur bleue universelle
On nous a mis à genoux
24. Patrick Williamson, Handiwork
(Un poème tiré d’un recueil paru chez l’Harmattan et traaduit par Claude Held)
One created with all beauty, wonder and diversity,
One forces and powers against desire for life on earth;
One that moves like a fastball, breaks open old worlds,
One the poem par excellence, abrasive, with pace;
One to unearth new ways of being human, of human being
For what you see is only passing away
For what you cannot now see, but only imagine, is undying;
Once all the seas crossed our selves shall come singing,
One to see and speak truth amid falsity and fabrications,
One to hang the possible in front of the listeners,
Lead them to when they say, if it were true, I would do it
Being in earshot of poetic speech that dwells in us deeply,
That dares suggest there is a still more excellent way;
Ingest, chew on it a while, take it into your selves
in full measure,
Be heralds and harbingers, poems even,
Else what are we doing here?
Ouvrage
Un créé de toute beauté, toute merveille, toute diversité
Un forces dressées contre le désir de vie sur la terre ;
Un à la vitesse d’une balle lancée dans des mondes disparus,
Un le poème par excellence, caustique, en cadence ;
Un pour fouiller d’autres façons d’être humain, un être humain
Car ce que tu vois ne fait que passer
Car ce que tu ne vois pas maintenant et que tu imagines, ne meurt pas ;
Traversant les océans nous viendrons en chantant,
Un pour voir et dire le vrai entre le faux et le fabriqué,
Un pour donner le possible à ceux qui nous écoutent,
Les amener à dire, si c’était vrai, je le ferais
À l’écoute du poème au plus profond de nous,
Qui ose nous montrer une voie plus parfaite encore ;
Ingérer, mâcher ça un temps, l’introduire en nous totalement,
Être messagers, annonciateurs, poèmes même,
Ou bien à quoi bon être ici ?
25. Nen, Un cosmos chaleureux
(Un poème d’amour fleuve, slamé et bien envoyé)
Tu es un cosmos chaleureux
Un nid douillet au coin du feu
Un univers en expansion
Qui a des Big-bang d’expression
Ce feu mouvant qui te remue
Qui me remue
L’émulation de toi et moi
Qui met à nu tous nos effrois
Quand il fait froid, y a que tes bras
Pour réchauffer mon âme nue
Tu es un cosmos chaleureux
Et ton amour
Un grand océan amniotique
Et puis ta bouche hypnotique
Me rendent heureux, fort, héroïque
Tu me transcendes
Ils ont réduit nos rêves en cendre
Mais nos rêves sont des Phoenix
Qui renaissent toujours plus forts
Je t’aime encore
Tu m’aimes encore
Je t’aime encore
Encore plus fort
Encore plus fou
Encore et toujours je t’adore
Encore plus doux
Quand tu t’endors
Quand tu t’éveilles
Je vois voler des poussières d’or
Tu es cosmos chaleureux
Une déesse faite humaine
Qui n’sait que faire
Pour être à sa place sur terre
A part donner des petits bouts
De l’univers
Aux alentours
Et ton amour
Est toujours un nectar divin
Un océan de voie lactée
Tellement humain
Tellement tes mains
Me donnent enfin
La consistance d’un vrai terrien
Avec un grand cœur aérien
Plus peur de rien
Tes grandes belles mains
Elles ne touchent pas
Elles rendent réel
Et bien réel
Et bien terrien
Là, je vois bien comme tu es belle
Ma terrienne…
Tes baisers ont le goût du ciel
Dans le nid douillet de tes bras
Foyer chaleureux de tes cuisses
Le bon bain chaud de tes baisers
Je suis bien là, tu es bien là
Je cicatrise
Et tu sais si bien m’apaiser…
Et la chaleur de tes regards
Couvre mon âme d’une soie tiède
Comme un doux plaid
Ils sont deux phares
Qui me guident dans les tempêtes
Dans le nid douillet de tes bras
Tu sais, je ne suis plus en quête
Je suis enfin, juste arrivé
C’est notre repos du guerrier
C’est un terrier tout confort
On est plus forts
Quand on est liés
Quand nos mains et nos souffles
Et nos rires s’additionnent
Et nos ventres s’embrasent
Et frissonnent
Quand résonnent sans fin
Les battements
De ce double cœur hors du commun
Tu es un cosmos chaleureux
Et nous deux
C’est l’univers
Contenu dans une goutte d’eau
Un ouragan
Posé sur l’aile d’un papillon
Une planète
Funambule sur un cheveu
Rien que nous deux
C’est tellement plein
C’est tellement bon
C’est tellement mieux…
Tu es un cosmos chaleureux
26. Alexis Treboit, L’envol de la bulle de cristal
(Un poème comme un parfum subtil qui s’évapore)
L’âme n’est pas une abysse,
Dans sa bulle de cristal,
Elle ne s’abîme,
Par un souffle doux,
Le battement d’un cœur,
L’âme sort du cristal,
L’abîme grandit,
La carapace reste lasse,
Le corps laisse sortir des abysses,
La pesanteur prend la légèreté,
Les sentiments rappellent les émotions,
L’impesenteur envahit le corps,
Les larmes sont à la cornée,
La respiration toujours calme,
Le corps n’est qu’une enveloppe,
L’âme s’est envolée.
27. Eugenie Fasola, Ugly people
(Une diatribe amère mais si drôle…)
Il est des jours où je trouve tout le monde moche
Moche à en vomir,
Si moche que ça en devient effrayant autant de laideur réunie. Le défilé / de rides mépris / de poils coupés / de cheveux cassés / de bouches tordues / de fringues toutes grises / d’haleines amères
Un spectacle de laideur où je ne peux m’empêcher d’imaginer les odeurs qui vont avec : les parfums en bouteille de verre, déodorant en bonbonnes de spray, lessive en sachet plastique, shampoing en bidon et dentifrice en tube. il est des fois où je trouve tout le monde puant
J ai vu aujourd’hui une femme qui prenait l’air d’une riche
Cheveux odorants d’ une couleur décapante,
jean’s d’une boutique pour vieille pie, fond de teint trop gluant ou BBcream,
pas vu les chaussures, mais je vous assure
qu’à vue de pif elle sentait le vieux caniche.
Il est des fois où je trouve le monde moche.
28. Miriem Méghaïzerou, L’obsidienne (I)
(Un poème subtil et référencé, aux accents d’Yves Bonnefoy, où la typographie joue son rôle)
Il pleut des larmes vertes
sans gouttes
ce dont les gouttes disent qu’il pleut sont larmes vertes
c’est l’âme-rôde fantastique des accents verts
Et j’ai aimé l’avers des larmes vertes parce que ce sont elles qui m’ont faite
dans la nuit je suis rentrée et vu
au fond de l’impasse verte
dont il pleut la dot des saules sur les peules têtes
J’ai vu qu’au fond de la larme verte
larme déserte du poète au fond donc de la lame verte
il y a la gamme et l’amalgame
l’agalma des sonnets nègres
Il y a l’ab-sainte et l’abscisse
l’ob-sens et l’abside
il y a le siège
de l’obsidienne
29. Laz Raël Apostrophe, Fidèle Gastro
(Et voici, pour finir, un poème scato et rigolo – en attendant la version texte – par le co-animateur de la scène SLAM au BABEL qui se poursuit aussi virtuellement)
https://www.dailymotion.com/video/x57s4r
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Merci à toutes celles et ceux qui ont participé à cette première de la Scène Virtuelle de Poésie du Chat Noir !
RESTEZ MODERNE !
L’administration du Chat Noir